Introduction
La question de l’identité personnelle est l’une des plus fondamentales et des plus difficiles de la philosophie. Elle se pose dès que l’on s’interroge sur ce qui fait de nous les mêmes personnes au fil du temps‚ malgré les changements constants que nous subissons. Qu’est-ce qui nous permet de dire que le “moi” d’aujourd’hui est le même que celui d’hier‚ ou que celui de demain sera le même que celui d’aujourd’hui ? Cette question a des implications profondes pour notre conception de nous-mêmes‚ de nos responsabilités morales‚ et même de la possibilité de la vie après la mort.
Derek Parfit‚ philosophe britannique du XXe siècle‚ a consacré une grande partie de son œuvre à l’analyse de la continuité psychologique et de son lien avec l’identité personnelle. Ses travaux‚ et en particulier son ouvrage majeur‚ “Reasons and Persons”‚ ont profondément remis en question les intuitions traditionnelles sur la question de l’identité‚ et ont proposé une nouvelle perspective sur la nature du “moi”.
La notion de continuité psychologique
Parfit commence par distinguer la continuité psychologique de l’identité personnelle. La continuité psychologique se réfère aux liens causaux entre les états mentaux d’une personne à différents moments. Elle peut être définie de manière quantitative‚ en termes de nombre de souvenirs‚ de traits de caractère‚ de croyances‚ etc. partagés entre deux moments‚ ou de manière qualitative‚ en termes de la nature et de l’intensité de ces liens; Par exemple‚ si je me souviens de mon enfance‚ cela indique une continuité psychologique entre mon moi actuel et mon moi enfantin.
L’identité personnelle‚ en revanche‚ est une question plus complexe. Elle se réfère à la question de savoir si la personne qui existe à un moment donné est la même que la personne qui existait à un autre moment. Parfit soutient que la continuité psychologique n’est pas suffisante pour garantir l’identité personnelle. Il utilise pour cela des exemples fictifs‚ comme celui du “téléporteur” qui détruit le corps original et reconstitue un corps identique à partir de la matière première disponible à l’arrivée. Si le processus est suffisamment précis‚ le “moi” ressentira la même continuité psychologique qu’avant la téléportation. Pourtant‚ il semble que le “moi” après la téléportation ne soit pas le même que le “moi” avant‚ car il n’y a plus de lien physique entre les deux.
Le “Moi” et l’identité personnelle
Parfit argumente que l’identité personnelle est une illusion. Il soutient que le “moi” est un concept métaphysique qui n’a pas de réalité objective. Il n’y a pas de “moi” permanent et immuable qui traverse le temps. Le “moi” est plutôt une construction mentale‚ une collection d’états mentaux et d’expériences qui se succèdent. La continuité psychologique peut nous donner l’impression d’une identité personnelle‚ mais cette impression est trompeuse. Le “moi” n’est qu’un flux continu d’expériences‚ et il n’y a pas de “moi” qui subsiste au-delà de ce flux.
Pour illustrer son argument‚ Parfit utilise le concept de “fusion” ⁚ imaginez que deux personnes‚ A et B‚ fusionnent pour former une nouvelle personne‚ C. C a les souvenirs et les traits de caractère de A et de B. Si l’on demande à C qui il est‚ il pourrait se considérer comme étant A‚ ou comme étant B‚ ou comme étant une nouvelle personne‚ C. Parfit soutient que cette situation met en évidence l’arbitraire de l’identité personnelle. Il n’y a pas de raison de privilégier l’identité de A ou de B sur celle de C‚ car tous les trois sont des collections d’états mentaux et d’expériences.
Implications éthiques et métaphysiques
La théorie de Parfit a des implications profondes pour notre conception de la morale et de la métaphysique. Si l’identité personnelle est une illusion‚ cela signifie que nos intuitions morales concernant la responsabilité‚ la punition et la récompense doivent être réévaluées. Par exemple‚ si je suis responsable de mes actes‚ mais que le “moi” qui commet ces actes n’est pas le même que le “moi” qui les subit‚ alors la notion de responsabilité personnelle devient problématique. De même‚ si l’identité personnelle est une illusion‚ cela signifie que la vie après la mort‚ telle qu’on la conçoit traditionnellement‚ est impossible. Il ne peut y avoir de survie personnelle après la mort‚ car il n’y a pas de “moi” qui puisse survivre.
La continuité psychologique et la question de la survie
Parfit ne nie pas l’importance de la continuité psychologique. Il soutient que la continuité psychologique est importante pour la survie‚ mais pas pour l’identité personnelle. Selon lui‚ la survie est une question de continuité psychologique‚ mais pas de permanence du “moi”. Il est possible de survivre‚ au sens où il est possible de continuer à exister avec des états mentaux similaires à ceux que l’on a aujourd’hui‚ même si le “moi” n’est pas le même. Par exemple‚ si l’on pouvait télécharger notre esprit dans un ordinateur‚ cela ne signifierait pas que le “moi” original a survécu‚ mais que nous avons créé une nouvelle personne avec une continuité psychologique similaire à la notre.
Parfit propose donc une conception de la survie qui est différente de la conception traditionnelle. Il ne s’agit pas de la survie d’un “moi” permanent‚ mais de la survie d’une continuité psychologique. Cette conception a des implications importantes pour la question de l’immortalité‚ du transhumanisme et de la conscience artificielle.
Implications pour l’éthique de l’immortalité et le transhumanisme
La théorie de Parfit a des implications importantes pour l’éthique de l’immortalité et le transhumanisme. Si l’identité personnelle est une illusion‚ alors l’immortalité‚ telle qu’on la conçoit traditionnellement‚ n’est pas un objectif souhaitable. En effet‚ si l’on vit éternellement‚ on finira par perdre toute continuité psychologique avec le “moi” que l’on était au début. L’immortalité‚ dans ce cas‚ ne serait pas la continuation de notre vie‚ mais la création d’une succession de nouveaux “mois”.
Le transhumanisme‚ qui vise à améliorer les capacités humaines grâce aux technologies‚ pose également des questions éthiques complexes. Si l’identité personnelle est une illusion‚ alors la modification de notre cerveau ou de notre corps pourrait créer des êtres radicalement différents de nous-mêmes‚ mais avec une continuité psychologique similaire à la nôtre. Cela soulève des questions sur la nature de la personne‚ de la responsabilité et de la morale.
La continuité psychologique et la conscience artificielle
La question de la conscience artificielle est également liée à celle de la continuité psychologique. Si l’on parvient à créer une intelligence artificielle capable de ressentir des émotions‚ de penser et de se souvenir‚ cela soulève la question de savoir si cette intelligence artificielle est une personne. Si l’on admet que la continuité psychologique est une condition suffisante pour la personnitude‚ alors une intelligence artificielle avec une continuité psychologique suffisante pourrait être considérée comme une personne. Cela aurait des implications importantes pour nos relations avec les machines‚ et pour la question de leurs droits et de leurs responsabilités.
Conclusion
La théorie de Parfit sur la continuité psychologique et l’identité personnelle est un défi majeur pour notre conception de nous-mêmes‚ de la morale et de la métaphysique. Elle nous oblige à remettre en question nos intuitions traditionnelles sur la nature du “moi” et de la survie. Elle ouvre également de nouvelles perspectives sur des questions cruciales comme l’immortalité‚ le transhumanisme et la conscience artificielle.
Bien que sa théorie soit controversée‚ elle offre un cadre de réflexion précieux pour comprendre les questions fondamentales qui se posent autour de l’identité‚ de la conscience et de la nature de la personne.
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