Introduction
Dans le domaine de la psychologie sociale, la question de l’attraction romantique a toujours fasciné les chercheurs. Comment une personne peut-elle ressentir une attirance intense pour une autre ? Quels sont les mécanismes psychologiques à l’œuvre dans ce processus ? En 1974, les psychologues américains Donald Dutton et Arthur Aron ont mené une expérience révolutionnaire qui a apporté un éclairage nouveau sur le rôle de l’excitation physiologique dans la formation de l’attraction. Leur étude, connue sous le nom de “l’expérience du pont”, a mis en évidence un phénomène fascinant appelé la “mauvaise attribution” (ou “misattribution” en anglais), qui a depuis été largement étudié et confirmé par de nombreuses recherches.
La théorie de la mauvaise attribution ⁚ un pont entre l’excitation et l’attraction
La théorie de la mauvaise attribution, proposée par Dutton et Aron, suggère que les individus peuvent attribuer à tort leur excitation physiologique à des sources inappropriées. En d’autres termes, lorsqu’une personne ressent une excitation physiologique due à une situation particulière, elle peut interpréter cette excitation comme étant due à une autre source, par exemple, une attraction envers une personne présente dans la situation.
Pour comprendre cette théorie, il est important de distinguer les deux types d’excitation physiologique impliqués ⁚
- L’excitation physiologique spécifique ⁚ Elle est directement liée à la source de l’excitation, par exemple, la sensation de chaleur après un exercice physique.
- L’excitation physiologique non spécifique ⁚ Elle n’est pas directement liée à la source de l’excitation, mais peut être attribuée à tort à une autre source.
La théorie de la mauvaise attribution suggère que lorsqu’une personne ressent une excitation physiologique non spécifique, elle peut l’attribuer à tort à une autre source, comme une attraction envers une personne présente dans la situation.
L’expérience du pont ⁚ une démonstration convaincante
Pour tester leur théorie, Dutton et Aron ont mené une expérience célèbre connue sous le nom de “l’expérience du pont”. Ils ont recruté des hommes qui traversaient l’un des deux ponts dans le parc national de la Colombie-Britannique au Canada ⁚ un pont étroit et instable, situé à 70 mètres au-dessus d’une rivière, et un pont large et stable, situé à quelques mètres du sol.
Au milieu de chaque pont, une jeune femme attirante interrogeait les hommes sur un questionnaire. Après l’entretien, la femme a donné son numéro de téléphone aux participants et leur a proposé de l’appeler s’ils avaient des questions. Les résultats ont montré que les hommes qui avaient traversé le pont instable étaient plus susceptibles d’appeler la femme et d’interpréter leur excitation comme un signe d’attraction.
Pourquoi les hommes qui ont traversé le pont instable ont-ils ressenti une attraction plus forte ? La réponse réside dans la théorie de la mauvaise attribution. Les hommes qui ont traversé le pont instable ont ressenti une excitation physiologique due à la peur et à l’incertitude. Ils ont ensuite attribué à tort cette excitation à l’attraction envers la femme, car elle était la seule autre source d’excitation dans la situation.
Les mécanismes psychologiques à l’œuvre
La théorie de la mauvaise attribution est basée sur deux concepts clés de la psychologie ⁚
- L’excitation physiologique ⁚ Elle est définie comme l’activation du système nerveux sympathique, qui se traduit par des changements physiologiques tels que l’augmentation du rythme cardiaque, de la respiration et de la transpiration.
- L’évaluation cognitive ⁚ C’est le processus par lequel les individus interprètent et donnent un sens à leurs expériences et à leurs émotions.
Lorsque les individus ressentent une excitation physiologique, ils recherchent une explication à cette excitation. Si aucune explication évidente n’est disponible, ils peuvent attribuer cette excitation à tort à la source la plus accessible, comme une personne attractive.
Les implications de la théorie de la mauvaise attribution
La théorie de la mauvaise attribution a des implications importantes pour la compréhension de l’attraction romantique. Elle suggère que l’excitation physiologique, même si elle est induite par des facteurs externes, peut influencer l’attraction envers une autre personne.
Cette théorie a également des implications pour la conception de situations qui favorisent l’attraction. Par exemple, les activités qui provoquent une certaine excitation physiologique, comme les montagnes russes ou les films d’horreur, peuvent augmenter l’attraction entre deux personnes.
Les critiques et les limites de la théorie
Bien que la théorie de la mauvaise attribution ait été largement étudiée et confirmée, elle n’est pas sans critiques. Certains chercheurs ont suggéré que l’excitation physiologique n’est qu’un facteur parmi d’autres qui influence l’attraction.
D’autres critiques ont pointé du doigt le fait que l’expérience du pont était limitée et que les résultats ne pouvaient pas être généralisés à d’autres situations.
Il est important de noter que la théorie de la mauvaise attribution ne prétend pas que l’excitation physiologique est la seule cause de l’attraction. D’autres facteurs, tels que la proximité, la similitude, la beauté physique et la personnalité, jouent également un rôle important dans la formation de l’attraction.
Conclusion
La théorie de la mauvaise attribution de Dutton et Aron a considérablement contribué à notre compréhension de l’attraction romantique. Elle met en évidence le rôle important de l’excitation physiologique et de l’évaluation cognitive dans la formation de l’attraction.
Bien que la théorie ait été critiquée, elle reste un concept important dans la psychologie sociale et continue d’être étudiée par de nombreux chercheurs.
Références
Dutton, D. G., & Aron, A. P. (1974). Some evidence for heightened sexual attraction under conditions of high anxiety. Journal of Personality and Social Psychology, 30(4), 510-517.
Zillmann, D. (1978). Attribution and misattribution of excitation. In L. Berkowitz (Ed.), Advances in experimental social psychology (Vol. 11, pp. 327-389). Academic Press.
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Cet article présente une introduction claire et concise à la théorie de la mauvaise attribution, en mettant en lumière l